Rénovation énergétique : pourquoi 95% des Français boudent les travaux pour 2025 ?
La France fait face à un défi de taille : seuls 5% des Français envisagent de réaliser des travaux de rénovation énergétique dans l'année à venir, soit en 2025. Cette révélation choc, issue du baromètre de l'observatoire BPCE publié en cette fin d'année 2024, soulève de sérieuses questions quant à la capacité du pays à atteindre ses objectifs climatiques. Alors que l'urgence environnementale se fait de plus en plus pressante, comment expliquer ce manque d'engouement pour l'amélioration de l'efficacité énergétique de nos logements à l'aube de la nouvelle année ?
Le grand paradoxe de la rénovation énergétique
Les chiffres parlent d'eux-mêmes et ils sont loin d'être rassurants. D'après l'étude menée par BPCE, seulement 31% des Français envisagent des travaux de rénovation énergétique dans les 5 prochaines années, soit d'ici 2029. Plus préoccupant encore, parmi ces 31%, à peine 10% prévoient une rénovation globale de leur logement. La majorité opte pour des rénovations partielles, ce qui est loin d'être optimal pour réduire significativement la consommation énergétique.
Ce constat est d'autant plus alarmant que la France s'est fixé des objectifs ambitieux : rénover 400.000 maisons et 200.000 logements collectifs par an d'ici 2030. À ce rythme, il semble peu probable que ces objectifs soient atteints, mettant en péril les engagements du pays en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Les freins majeurs à la rénovation énergétique
Plusieurs facteurs expliquent cette réticence des Français à s'engager dans des travaux de rénovation énergétique. Parmi eux, deux obstacles majeurs se distinguent :
1. La méconnaissance du DPE, un obstacle insoupçonné
Le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) est censé être un outil clé pour sensibiliser les propriétaires à l'efficacité énergétique de leur logement. Pourtant, il semble que cet outil soit mal compris par une grande partie de la population. Voici quelques chiffres révélateurs :
- 66% des Français pensent connaître le DPE de leur logement ;
- 13% des propriétaires croient avoir un DPE A, alors que seulement 2% des logements en ont réellement un ;
- 6% pensent habiter une passoire thermique, contre 16% en réalité.
Cette surestimation généralisée de la performance énergétique des logements constitue un frein majeur à l'engagement dans des travaux de rénovation. Comment convaincre un propriétaire de rénover s'il pense déjà habiter un logement performant ?
2. La priorité donnée aux travaux d'embellissement
Les Français semblent plus enclins à investir dans l'esthétique de leur logement que dans son efficacité énergétique. L'étude révèle que :
- 51% des personnes interrogées envisagent des travaux d'embellissement (peinture, parquet...) ;
- 29% pensent à adapter leur logement au grand âge ;
- 28% prévoient de gros travaux d'entretien comme le ravalement.
Au total, 61% des Français interrogés envisagent des travaux de rénovation générale (hors rénovation énergétique) d'ici 5 ans. Ces chiffres montrent clairement que la rénovation énergétique n'est pas une priorité pour la majorité des propriétaires.
Les jeunes, fer de lance inattendu de la rénovation
Contre toute attente, ce sont les jeunes de 18-29 ans qui se montrent les plus enthousiastes à l'idée de réaliser des travaux de rénovation énergétique. Cette tendance surprenante pourrait s'expliquer par une plus grande sensibilité aux enjeux environnementaux chez cette génération.
Ce constat ouvre des perspectives intéressantes pour l'avenir. Si cette tendance se confirme et se renforce, on pourrait assister à une accélération des rénovations énergétiques dans les années à venir, à mesure que cette génération accédera à la propriété.
Les nouvelles mesures gouvernementales : un pas en arrière ?
Face à ces défis, le gouvernement a récemment publié un décret et un arrêté concernant les règles de MaPrimeRénov' pour 2025. Cependant, ces nouvelles mesures soulèvent des questions quant à leur efficacité pour atteindre les objectifs fixés.
En effet, les "monogestes" (comme le changement de fenêtres ou de chauffage) continueront à être acceptés pour les passoires thermiques (DPE F ou G). Si cette décision peut sembler pragmatique à court terme, elle pourrait freiner la transition vers des rénovations globales, pourtant plus efficaces.
Alain Tourdjman, directeur des études et prospective du groupe BPCE, analyse cette situation : "L'objectif de faire basculer MaPrimeRénov' vers la rénovation globale n'est pas atteint. Le gouvernement fait preuve de pragmatisme. Si on n'atteint pas l'objectif, on continue quand même à avancer sur les monogestes. Et en même temps, c'est un aveu d'incapacité à atteindre les objectifs."
Vers une prise de conscience collective ?
Face à ces constats, il est crucial de repenser notre approche de la rénovation énergétique. Plusieurs pistes peuvent être explorées :
- améliorer la communication autour du DPE pour que les propriétaires aient une vision réaliste de la performance énergétique de leur logement ;
- encourager l'intégration de la rénovation énergétique dans des projets de rénovation plus globaux. Par exemple, profiter de travaux d'embellissement pour améliorer l'isolation ;
- capitaliser sur l'enthousiasme des jeunes générations en développant des programmes de sensibilisation et d'accompagnement spécifiques ;
- repenser les incitations financières pour favoriser les rénovations globales plutôt que les monogestes.
La rénovation énergétique est un enjeu majeur pour notre société, tant sur le plan environnemental qu'économique. Si les chiffres actuels peuvent sembler décourageants, ils doivent surtout nous inciter à redoubler d'efforts. Chaque propriétaire, chaque locataire, chaque acteur du secteur immobilier a un rôle à jouer dans cette transition. En comprenant mieux les freins et les motivations des Français, nous pourrons collectivement relever ce défi et construire un parc immobilier plus durable pour les générations futures.