Projet d’interdiction des PFAS : une menace pour le déploiement massif des pompes à chaleur ?
Le sujet épineux des PFAS (per- et polyfluoroalkylées), substances chimiques persistantes présentes dans divers produits de la vie courante, était déjà dans les tiroirs de l’Union européenne. En avril, il est entré dans le débat français avec une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale. Projet : restreindre l’utilisation des PFAS en France. Mais problème : les fluides réfrigérants des pompes à chaleur en contiennent. Quasiment concomitante avec l’annonce d’un vaste déploiement des PAC, cette initiative peut sembler dissonante ! Faisons le tour de la question.
Où sont les PFAS ?
Un peu partout… Pour simplifier, les perfluorés et polyfluoroalkylées sont une grande vaste famille composée de plusieurs milliers de composés chimiques aux propriétés diverses et couramment utilisées depuis les années 40.
On peut en effet en trouver dans les textiles, les cosmétiques, les emballages alimentaires, les revêtements antiadhésifs et même dans certains dispositifs médicaux. Celles qui nous intéressent ici sont les capacités des PFAS à permettre le transfert de chaleur d’un élément à un autre. C’est pourquoi les gaz fluorés, principale source d’émission de PFAS, font partie des composants des fluides réfrigérants des pompes à chaleur.
Les PFAS, des polluants éternels dans le viseur des réglementations
En France, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) mène des études, depuis plusieurs années, sur cette famille chimique problématique. Car les PFAS sont très persistants dans l’environnement, au point d’être qualifiés de “polluants éternels”. Certains ont aussi des effets toxiques pour l’être humain. On évoque des effets sur le système immunitaire, des troubles hormonaux, voire des cancers… Devant ces risques, l’interdiction semble plus que justifiée !
D’ailleurs, au niveau mondial, la Convention de Stockholm de 2001 restreint déjà leur utilisation et des initiatives sont prises dans ce même sens au niveau européen, depuis 2020.
L’ECHA (Agence européenne des produits chimiques) a publié en 2023, un projet d’interdiction globale, à l’initiative de l’Allemagne, des Pays‑Bas, de la Norvège, de la Suède et du Danemark. Les États membres de l’UE ont ainsi conclu un accord en octobre 2023, pour accélérer la réduction de gaz fluorés et les éliminer d’ici à 2050. Ce document vise essentiellement les HFC (hydrofluorocarbures), présents dans les pompes à chaleur. À noter, le secteur résidentiel (incluant aussi les réfrigérateurs et climatiseurs) émet près de la moitié des HFC (46%).
La France semble avoir pris acte de ce mouvement en adoptant, le 25 avril dernier, une proposition de loi (n°1138) s’attaquant aux PFAS en France. Cette initiative soudaine pourrait être un obstacle de taille pour le déploiement des pompes à chaleur récemment annoncé par le gouvernement.
Que dit la proposition de loi française au sujet des PFAS ?
Depuis son plan d’actions ministériel sur les PFAS en janvier 2023, la France soutient le projet d’interdiction européen. Mais à cette échelle, le processus décisionnel est long et ne pourra aboutir avant 2027. C’est pour suivre ce calendrier et l’état d’esprit radical du texte de l’UE visant l’ensemble des PFAS et leurs alternatives de substitution, que la France s’est lancée à son tour. Le principe énoncé dès l’article 1er bis A du texte est clair : “dans la mesure où les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées présentent des dangers graves ou des risques non valablement maîtrisés pour les travailleurs, la santé humaine ou l’environnement, ces substances sont interdites sur l’ensemble du territoire français, sauf dérogations strictement proportionnées au caractère essentiel des usages notamment dans le domaine médical”.
À ce jour, on ne connaît pas l’étendue des exceptions qui seront autorisées par les décrets d’applications. Ce qui inquiète les secteurs concernés.
Les entreprises françaises auront-elles le temps de réagir ?
Non, selon Laurent Guégan, président de l'ADC3R, une organisation regroupant les entreprises qui achètent, conditionnent et retraitent ces gaz réfrigérants. Réagissant à l’adoption du texte européen, il avait déjà déclaré à l’AFP : "la réglementation va trop vite et est trop restrictive par rapport aux capacités de recherche et développement". Concrètement, les fabricants pourraient avoir du mal à trouver des solutions alternatives aussi efficaces et économiques que les HFC. Ces nouveaux fluides, à proposer dans des délais restreints, devront aussi respecter des critères de sécurité. En outre, la production de ces gaz s’effectue très majoritairement en Asie. La question des contrôles, et celle de la répercussion de leur coût, se posent légitimement.
Autant d’inconnues qui imposent une phase de transition encadrée par la recherche. Pourtant, le gouvernement a annoncé la production d’un million de PAC en France dès 2027. Or, cette nouvelle réglementation pourrait bien perturber ce calendrier ambitieux. En l’état, elle ne comporte aucune dérogation, sinon une mention du secteur médical, menaçant directement les fluides réfrigérants utilisés pour la maintenance des pompes à chaleur. Les fabricants comptent donc sur la suite du processus législatif et les décrets ultérieurs qui devraient s’intéresser de près à la question des PAC.