La dissolution de l’Assemblée nationale : un coup de frein pour les aides à la rénovation énergétique ?
La dissolution de l'Assemblée nationale, annoncée par le président de la République, soulève de nombreuses interrogations quant à son impact sur la politique de rénovation énergétique des bâtiments en France. Alors que le pays accuse déjà un retard conséquent sur ses objectifs, ce bouleversement institutionnel pourrait constituer un nouveau frein aux efforts engagés.
Le ralentissement du processus législatif
L'une des principales conséquences de la dissolution est le ralentissement, voire le gel temporaire, du processus législatif. En effet, tous les projets et propositions de loi en cours d'examen devront être repris depuis le début lors de la prochaine législature. Parmi les textes impactés figurent notamment :
- Le projet de loi visant à généraliser les rénovations globales performantes dans les bâtiments résidentiels ;
- La proposition de loi pour un contrôle renforcé de l'application de la réglementation énergétique dans le neuf.
Ce ralentissement pourrait retarder l'adoption de nouvelles mesures législatives indispensables pour atteindre les objectifs de rénovation fixés par les pouvoirs publics. En effet, la Stratégie Nationale Bas-Carbone révisée prévoit la rénovation énergétique de 700 000 logements par an d'ici 2030, soit un rythme quatre fois supérieur à celui observé actuellement.
Le risque est donc de voir s'accumuler davantage de retard sur ces objectifs ambitieux, pourtant essentiels pour lutter contre le changement climatique et réduire la facture énergétique des ménages. Selon les dernières estimations, près de 4,8 millions de résidences principales en France sont considérées comme des "passoires thermiques" particulièrement énergivores.
Le casse-tête du financement
Au-delà des réformes législatives, la dissolution soulève des interrogations sur le financement de la rénovation énergétique. De nombreux dispositifs d'aides financières, comme MaPrimeRénov' ou les certificats d'économies d'énergie (CEE), dépendent en effet des budgets alloués chaque année par le Parlement.
Une nouvelle majorité à l'Assemblée pourrait donc être tentée de revoir ces enveloppes budgétaires, voire de remettre en cause certains de ces mécanismes de soutien. Une perspective particulièrement préoccupante pour les ménages modestes souhaitant entreprendre des travaux de rénovation énergétique.
En 2022, ce sont ainsi près de 700 000 dossiers qui ont été déposés pour bénéficier de MaPrimeRénov', représentant une enveloppe totale de 2,6 milliards d'euros. Un effort financier conséquent qui pourrait être remis en question en cas de changement de majorité.
Vers un assouplissement des obligations ?
Enfin, le calendrier d'interdiction progressive de la location des logements classés F et G, les plus énergivores, pourrait lui aussi être remis en question par la nouvelle Assemblée. Prévue pour entrer en vigueur à partir de 2025 dans certaines agglomérations, cette mesure emblématique vise à accélérer la rénovation du parc locatif ancien.
Cependant, un changement de majorité pourrait conduire à un report, voire un abandon pur et simple de cette obligation, au risque de fragiliser l'atteinte des objectifs de rénovation. Un scénario d'autant plus préoccupant que le secteur résidentiel représente près du quart des émissions de gaz à effet de serre en France.
Selon les estimations gouvernementales, ce sont ainsi plus de 4 millions de logements locatifs qui seraient concernés par cette interdiction progressive à l'horizon 2034. Un levier réglementaire majeur pour "éradiquer" les pires passoires thermiques, mais qui pourrait être remis en cause.
Si la dissolution de l'Assemblée nationale est un exercice démocratique légitime, elle pourrait néanmoins peser lourdement sur la politique de rénovation énergétique des bâtiments. Ralentissement du processus législatif, remise en cause des aides financières, report des échéances réglementaires... les risques de retarder la cadence sont bien réels.Dans un contexte d'urgence climatique et de flambée des coûts de l'énergie, la prochaine législature devra donc rapidement reprendre le chemin de la rénovation énergétique. Quelles que soient les nouvelles orientations politiques, rattraper le retard accumulé et tenir les engagements de la France en la matière sera un défi de taille pour le prochain gouvernement.