Rénovation énergétique des logements : pourquoi ça bloque ?
La rénovation énergétique des logements en France, bien que nécessaire et encouragée, semble avancer à un rythme plus lent que prévu. Plusieurs obstacles entravent ce processus, exacerbant les défis pour les propriétaires, les professionnels du secteur et les autorités. Deux sujets principaux se télescopent : d’une part, le calendrier ambitieux de rénovation énergétique imposé par le gouvernement ; de l’autre, les nombreux obstacles pratiques et financiers qui ralentissent la mise en œuvre de ces projets. Cet article explore les principaux facteurs qui bloquent la rénovation énergétique des logements.
Pas assez de professionnels habilités à faire les travaux de rénovation énergétique
Un des principaux freins rencontrés est le manque de professionnels certifiés pour effectuer ces travaux. Or, pour bénéficier des CEE (certificats d’économies d’énergie) ou des aides de l’État comme MaPrimeRénov’ et l’éco-prêt à taux zéro, afin de financer leurs travaux de rénovation, les particuliers doivent obligatoirement faire appel à des artisans disposant du label RGE (reconnus garants de l’environnement). Problème : on ne compte que 55.000 entreprises RGE en France. Cette rareté, plus ou moins accrue selon les territoires, est parfois un obstacle majeur pour les propriétaires.
Dans le parcours du combattant, ces derniers devront d’abord trouver un expert RGE dans leur région. Il faudra que ce dernier soit spécialisé selon les besoins de travaux (isolation, modification du mode de chauffage, changement des ouvertures, etc.). Enfin, il conviendra de croiser les doigts pour que les délais d’intervention soit acceptable. En effet, certains départements sont des zones quasiment blanches. Des exemples ? Seulement 144 artisans RGE en Lozère, 165 dans la Creuse, 171 dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Des coûts de rénovation prohibitifs pour de nombreux propriétaires
La rareté des entreprises RGE précédemment évoquée conduit logiquement à une augmentation significative des tarifs liés aux travaux de rénovation énergétique. C’est la loi de l’offre et de la demande ! Les artisans savent qu’il y a urgence pour certains propriétaires… Et certains en profitent pour augmenter les prix qu’ils pratiquent.
Cette hausse des coûts rend les projets de rénovation financièrement inaccessibles pour de nombreux propriétaires, même avec les aides publiques disponibles. Les copropriétaires, en particulier, ont du mal à accepter de tels tarifs, ce qui complique la prise de décision collective nécessaire en AG pour lancer les travaux dans les immeubles et résidences.
Les aides financières, un chemin sinueux
Bien que les pouvoirs publics aient simplifié MaPrimeRénov’, un des principaux systèmes d’aide gouvernementale à la rénovation énergétique, les propriétaires se heurtent encore à des difficultés lorsqu’il s’agit de naviguer dans les eaux troubles des aides disponibles à plusieurs échelles : nationales, régionales, départementales, municipales… de quoi être perdu ! Sans parler du dispositif complexe des certificats d’économies d’énergie (CEE), dont le financement privé et la procédure alambiquée font l’objet de fraudes. Encore un frein psychologique qui fait que certains bailleurs préfèrent vendre, plutôt que se lancer dans des procédures nébuleuses et de long chantier.
Le manque de lisibilité et la multiplicité des aides et la perspective laborieuse du montage des dossiers de rénovation continuent d’effrayer bon nombre de propriétaires qui se perdent en cours de route. Les acteurs du secteur ciblent régulièrement cette lourdeur du processus. Mais les pouvoirs publics ont déjà fait de gros efforts de simplification. Le risque, si les reproches perdurent et que les aides fonctionnent mal, c’est qu’elles soient revues à la baisse, voire supprimées. Or, elles sont essentielles pour rendre les projets de rénovation financièrement viables. Une réduction de ces aides compliquerait davantage la situation pour les propriétaires, surtout ceux qui peinent déjà à se mettre d’accord sur les projets de rénovation en copropriété.
La frilosité des banques pour les prêts à la rénovation énergétique
Le financement des projets de rénovation par les banques pose également de sérieux problèmes.
En effet, les banques hésitent souvent à accorder des prêts pour des logements nécessitant des travaux de rénovation énergétiques. Si le coût de la rénovation n’est pas prévu dans le projet d’achat initial, il est fort probable que la banque refuse le prêt au propriétaire. Les banques sont réticentes, craignant de se retrouver avec des travaux non faits ou non terminés et des biens vétustes, inhabitables et invendables en cas de non-remboursement des prêts.
Et c’est encore pire pour les copropriétés ! Les prêts collectifs sont d’autant plus difficiles à obtenir, que seules deux établissements bancaires, la Caisse d'épargne et DomoFinance, proposent de tels prêts. Bien évidemment, la procédure est extrêmement complexe. Pour les syndics, réunir toutes les pièces pour monter les dossiers, en accord avec chaque copropriétaire relève, dans de grandes résidences, à une mission impossible…
Face à ces obstacles, les échéances légales approchent, le gouvernement français ayant mis en place un calendrier audacieux pour améliorer la performance énergétique des logements. Si celui-ci n’est pas revu d’ici là, les logements classés G seront interdits à la location dès 2025, suivis par les classes F en 2028 et E en 2034. Cette imminence met une pression considérable sur les propriétaires bailleurs qui, s’ils ne vendent pas, doivent rapidement entreprendre des travaux de rénovation pour se conformer à ces nouvelles normes. Un vrai casse-tête !